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Retour d’expérience sur les implants courts

Implants courts : émergence du besoin

Au début de l’implantologie alors que l’implant en titane Bränemark était seul sur le marché, il n’existait que très peu de références et on disposait principalement d’implants de 3. 75 mm de diamètre par 10 ou 13mm de long (cf Figure 1) pour remplacer les dents manquantes chez nos patients. L’idée même de poser des implants courts était alors bien lointaine…

Pose de 3 implants courts au maxillaire, secteur #2
Figure 1 Sur cette panoramique on peut aisément apprécier la différence notable entre les longueurs requises à l’époque (#36) VS les implants courts en secteur #2

L’évolution des pratiques

Lorsque j’ai démarré l’implantologie à la fin des années 90, la tendance qui prédominait était d’investir au maximum le volume osseux disponible. Au maxillaire comme à la mandibule on envisageait des implants longs. Puis sont arrivées les largeurs de 5 et 6 mm. On était alors tenté de poser des implants longs et larges. Les clichés radiographiques des patients implantés à cette époque témoignent de la présence de ces implants aux dimensions importantes quelle que soit la dent à remplacer et le projet prothétique.

Les recommandations de l’époque consistaient à poser des implants de 4mmx10mm au minimum. On devait alors procéder à d’importantes reconstitutions osseuses pour placer ces implants standards. Des prélèvements autologues crâniens ou iliaques avec les suites post-opératoires que l’on connaît étaient parfois nécessaires. Les biomatériaux ont éclipsé peu à peu ces interventions lourdes au niveau des sites donneurs. La norme restait de reconstituer le maximum de volume osseux, éliminant ainsi les candidats non éligibles aux greffes osseuses en raison de la morbidité relative de ces techniques et des nombreuses contre-indications.

L’implantologie basale, et la pose d’implants sous périostés (technique aujourd’hui désuète), sont des alternatives à ces greffes osseuses. Elles représentent un nombre marginal d’intervention et sont réservées à des praticiens rompus à cet exercice. De plus les suites post-opératoires sont souvent lourdes.

Sont arrivés alors, sur le marché, les implants de longueur inférieure à 10 mm qualifiés de « courts ». Ils constituaient un pis-aller car nous étions conditionnés à poser des implants dits standards. Ces implants ne représentaient qu’une part négligeable du volume utilisé en chirurgie. Un consensus a défini qu’un implant était considéré comme court si sa longueur était inférieure à 10 mm et un extra court inférieur à 8 mm.

Les indications

Aujourd’hui, les implants courts sont une alternative fiable à la reconstitution osseuse dans les cas de défauts osseux verticaux quand ils ont une largeur de 4,5 mm au moins. Ils sont indiqués dans les secteurs postérieurs maxillaires sous sinusiens et mandibulaires au-dessus du nerf alvéolaire inférieur. La condition est de disposer d’une largeur de crête suffisante. C’est à dire au moins 2 mm de part et d’autre de l’implant.

Par exemple, Pour un implant de 5mm, une crête de 9 mm est requise. Si le volume osseux est insuffisant, une greffe osseuse d’apposition (technique assez accessible) sera nécessaire.

Les bénéfices sont multiples et on peut relever notamment :

  • Réduction de la difficulté de l’intervention chirurgicale pour le praticien et pour le patient
  • Moins de suites post-opératoires
  • Réduction de la durée d’intervention
  • Optimisation des chirurgies et préservation de la biologie avec un acte moins invasif

Ainsi tous les patients deviennent éligibles à la pose d’implant à partir du moment où ils ont une hauteur d’os minimum de 5 à 6 mm au niveau sous sinusien ou au-dessus du nerf alvéolaire inférieur.

Mon expérience des implants courts

À la fin des années 90, les premières publications sur le sujet me confortèrent dans mes choix. Face au taux de succès de l’ostéointégration et à la pérennité des restaurations que j’avais réalisées, j’ai commencé à systématiser l’utilisation des implants de 8 mm et parfois même de 6 mm. (cf Figure 2).

Figure 2 Le constat est évident : préservation du sinus, gestion de la distance en rapport du nerf mandibulaire et mise en fonction aisée. Le résultat est optimal pour une chirurgie moins invasive

En effet, Si je sais que je peux poser un implant de 6 mm, sans effracter le bas-fond sinusien (cf Figure 3) malgré un rapport couronne /implant défavorable, j’opte plus volontiers pour cette option, plutôt que de réaliser une élévation sous sinusienne par voie crestale selon la technique de Summers avec un implant de 8 ou 10 mm et encore moins une augmentation sous sinusienne par volet latéral. Le risque de non osteointegration ou de contamination de l’implant est faible mais existant avec augmentation sous sinusienne et proche de zéro avec un implant court de 6 mm. Non seulement l’intervention est simplifiée, mais le délai de mise en charge est raccourci.

Figure 3 Ici on peut constater que l’intégrité de la membrane de Schneider et du plancher sinusien sont conservés

La technique de chirurgie

Pour conclure, ce qui importe par-dessus tout est l’enfouissement juxta ou sous crestal de l’implant. Un implant juxta ou sous crestal de 5 mm de long par 5 mm de diamètre est nettement préférable à un implant de 8 mm dont un millimètre sera supra crestal. En effet le risque de peri-implantite est accru par la présence de filet implantaire apparent. Par ailleurs la faible longueur de l’implant n’est pas un handicap à sa résistance aux forces de cisaillement et de mastication.

Des études ont montré que le maximum de contraintes subies par l’implant se trouve au niveau du col implantaire quelle que soit la longueur de l’implant et que plus le diamètre de l’implant est important moins le stress au niveau du col implantaire est important. Ainsi un implant court et large aura une résistance tout à fait comparable à un implant de diamètre et de longueur standard (4x10mm) malgré un rapport implant/ prothèse défavorable.

Pour aller plus loin :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23656303/

Quel est le protocole de forage à adopter en implantologie dentaire ?

Le protocole de forage dépend-il de chaque situation clinique ?

Quelles sont les éléments importants à prendre en compte en amont de cette étape fondamentale du traitement implantaire ?

Le protocole de forage préalable à la pose d’implant ne peut être systématisé. Il a longtemps été communément admis que le forage se ferait selon trois types de vitesse de rotation :

– 1200 tours minute pour le foret pointeur

– entre 800 et 1200 tours minute pour le 1er foret 

– entre 800 et 400 tours minute pour les forets suivants

L’opérateur ne peut pas être systématique et doit s’adapter à chaque site implantaire. 

En effet, la perception de la texture ainsi que la densité osseuse par l’opérateur sont extrêmement importantes et conditionnent le protocole de forage. En amont, l’analyse radiographique aura permis à l’opérateur d’identifier le type d’os selon la classification de Misch. Puis l’examen de la crête au moment du décollement du lambeau donnera un complément d’informations quant à la qualité de la corticale, son épaisseur et sa vascularisation.

Certes, le franchissement de la corticale externe se fera de façon très brève à haute vitesse (environ 1200 tr/min) mais la suite du forage doit se faire autour de 200 tr/min.

Une vitesse de forage trop élevée entraînera un échauffement qui s’accompagnera inexorablement d’une nécrose du tissu osseux périphérique. Ce tissu nécrotique est la plupart du temps évacué par les cellules de l’inflammation et laisse place à un os néoformé, garant de la future ostéointégration. Mais parfois, il est responsable d’une ostéite rédhibitoire entraînant la fameuse douleur du 3ème jour (signe annonciateur de la perte de l’implant).

Ainsi, il est nettement préférable de forer à très basse vitesse d’autant plus que l’os est très corticalisé. Cette phase de forage est extrêmement importante et doit se faire dans un mouvement vertical qui alterne pression et relâchement avec une très bonne irrigation.

En présence d’un os très spongieux il est même possible de tourner sans irrigation à basse vitesse (100 tr /min) permettant de récupérer si c’est nécessaire des copeaux osseux qui seront réutilisés pour obturer un éventuel hiatus…

Emmanuel Cohen

Chirurgien-dentiste, tuteur en implantologie